Innocence

Les garçons ont enfin leur contrat de disque. 

Et leur van! Ils ne juraient que par leur van !

I love my girl, but oh! that van !

Mon père (irlandais) utilisait toujours une variation de cette expression, dont l'originale est I love my wife but oh that car!, avec son t-shirt "I love my wife, but oh! that boat!" en conduisant son "Baywatch" (really?!)

En 1979, U2 a quelque 40 chansons dans son répertoire. Dans cette van, qu'ils adorent, on se sent vrais musiciens. On peut partir en tournée, passer de villes en villes pour assister en groupe à des spectacles, on peut y ranger son stock,  y composer en écoutant des cassettes comme The Associates, leur album The Affectionate Punch, London Calling de The Clash, Peter Gabriel III (Melt), l'album éponyme de The Pretenders, Kilimanjaro de The Teardrop Explodes, Unknown Pleasures de Joy Division, Days in Europa de Skids, Untitled de Pauline Murray & The Invisible Girls, Scary Monsters (& Super Creeps) de David Bowie, Crocodiles d'Echo & The Bunnymen, la trame sonore du film Midnight Express de Giorgio Moroder, Parallel Lines de Blondie.    

On se nourrira toujours du son des autres. On est d'abord fan de musique. Londres est leur Babylone, leur Égypte. Le royaume sacré. Paul McGuiness reste impressionné par les boys. Il les invite chez lui, les gars découvrent un mariage assez niché, qui a des moyens, et surtout un frigo toujours plein. On a le réflexe, Bono & Adam surtout, de fouiller dans le frigo sans scrupules chez le couple McGuiness, comme si on avait jamais vu de frigo aussi plein et qu'il fallait des gens pour se sacrifier et le vider. On savoure grandement la bombe dans Wardour Street de The Jam. On voudrait émuler de ce son. Naitre de l'équivalent de ces riffs et de ces nuances de cordages occasionnelles. On jouera au Marquee Club, afin de tester ce qu'on veut garder pour le premier effort. Le Marquee Club, où The Who avait fameusement joué aussi. On veut apporter une certaine grandeur au punk. Avec certains morceaux, on pense y arriver. Croisant spiritualité et rage de gens de leur âge, la jeune vingtaine. Leurs fans ont leur âge. Et ça leur plait. On sent qu'on peut fusionner davantage avec les fans. On se fait un honneur de signer des autographes à ceux et celles qui le demandent. 

Un joueur important se dessine. L'alliée des vampires comme moi. 

La nuit.

Celle-ci inspire les communications non planifiées entre le band et les fans. Les artistes tombent sur eux en se laissant tomber dans la foule. Les fans  les grafignent, les mordent, les embrassent, leurs font des accolades,  les attrapent. Ils feront n'importe quoi. Et quand les gars remontent sur scène, ils reviennent à la maison alors qu'ils découvrent tout juste le sexe avec leurs copines. Innocents musiciens, si jeunes adultes. Qui ont choisi la passion musicale. On écoute Chuck Berry et Prince et on sent le zeitgest sexuel du monde musical. Duran Duran fera bientôt fantasmer les filles pendant que Pat Benatar demande d'être "Hit With Your Best Shot". Ce qui ouvre toutes les vannes d'interprétations sexuelles. Bono craque et écrit aussi des codes sexuels en musique. On écrit à même le studio. Martin Hammett, producteur de Joy Division est supposé être le producteur de leur premier album et ils sont surexcités d'avoir une de leurs idoles à la barre. Mais comme Ian Curtis s'enlève la vie, en mai, Hammet tombe dans une profonde dépression et n'est pas l'ombre de lui-même. Il se retire du projet avant même qu'il ne commence. Le band n'avait pas été charmé de l'unique expérience qu'il a vécu avec eux. Il a produit un de leurs singles. Une de leur munition importante en spectacle.

Le band sait qu'ils ont deux moteurs par lesquels la fusée les menant à la lune peuvent les trainer. Ils le sentent en spectacle. Deux chansons rendent la foule plus enthousiastes et ils sentent qu'ils les transforment de qui ils étaient, avant le spectacle. En septembre 1979, Chas de Whalley et la band avait produit un mini album au studio Windmill Lane de Dublin. 3 chansons. Deux qui seront de leur premier album. L'autre dont la moitié du titre en sera le titre. 

On est superfan de Sex, Drugs & Rock'n Roll de Ian Drury, mais on est si innocents, on commence tout juste à expérimenter la chose. Ça aidera à choisir le titre de l'album. Ils ne sont encore que de jeunes garçons. Il s'attirent un drôle de public parfois avec des titres comme Stories for Boys et des lignes comme "in the shadows, boy meets man..." McGuiness encourage le band à s'offrir toutes les libertés possibles. Ce qui ne fonctionnent pas est une liste plus longue que ce qui fonctionne bien, mais on reste positif. Bono réussit souvent en avoir en adversité les 3 autres parce qu'il est trop enthousiaste. Grimpe dans la foule au risque de se blesser. Veut s'en prendre inutilement à des gardiens de sécurité de leurs spectacles, On envoie leur EP à Steve Lillywhite.

Ce dernier a produit plein d'albums qui ont plus au band. Ultravox, Siouxsie & The Banshees, Johnny Thunders, XTC. Lillywhite aime beaucoup mais veut voir en spectacle. Assiste à un de leurs shows dans une petite école en Irlande, il est tout de suite convaincu. Ce band ira quelque part. Il produit aussitôt un de leur single. Qui ne fait pas grand chose sur les palmarès, mais on lance un cri dans la jungle. L'expérience est assez intéressante pour que Lillywhite produise Boy. Insatisfait du son de la batterie sur le single Lillwhite isolera Mullen Jr dans les escaliers du studio pour un son plus acceptable pour tous. On est surpris, mais aussi séduit par sa créativité. Excellent bassiste, il passe beaucoup de temps avec Adam afin de lui apprendre l'instrument que Clayton connait tout de même depuis peu. Il est véritable bouffée d'air frais pour 4 jeunes débutants innocents. Il fait sortir le meilleur de chacun d'eux.

The Edge dit que les gars s'inspirent d'un certain nihilisme européen comme Neu! Kraftwerk, Siouxsie & The Banshees, Television, Echo & The Bunnymen, Magazine. Bono écrit inspiré directement d'un chapitre du livre dystopique de William Golding, Lord of the Flies. On cite aussi Oscar Wilde. L'approche moins blues que rock ou punk de The Edge sur sa Gibson Explorer épate. Lillywhite enregistre des bouteilles de lait frappées ensemble et les rayons de roues de bicyclette qui tournent. On favorise l'expérimental. Ce qui plait énormément au band, et à The Edge, grand amateur de musique progressive comme Yes, Genesis, Jethro Tull ou King Crimson. 

Bono, The Edge et Larry Mullen Jr sont tous trois très pieux. Chaque moment glorieux, ils se questionnent sur le droit au plaisir qu'ils éprouvent à faire ce qu'ils font. En ont-ils le droit ? Comment circuler avec la van et ne pas se faire écraser par ses propres roues ?  Pour Adam, ça ne fait pas de sens ce questionnement et cette incertitude. Mordre dans le temps présent. Comme si c'était son dernier jour, Bono est ramené à la raison souvent comme ça. Mais ils sont quand même 3 à prier avant chaque spectacle. On se dit punk, mais non, on arrive à être ailleurs, trop tendre pour être 100% punk. Les gens aiment. Un de leurs amis tentent de s'enlever la vie, et doit subir des électrochocs par la suite. On écrit un morceau pour lui. Un autre de leurs amis, Gucci Rowen, propose son plus jeune frère, Peter, pour la pochette. 

Le premier album est lancé en octobre 1980, au Royaume-Uni. En Amérique du Nord, en mars 1981. Et on changera la pochette car on craint un appel à la pédophilie. Ma cassette aura les 4 membres avec des profils "buzzés" quand je l'achète quelques 6-7 ans plus tard. 

On dit élogieusement que c'est honnête, direct et distinctif. Touchant, appliqué, archaïque et moderne à la fois. 

Agressivement innocent. Comme moi, qui ne les connait pas encore, et qui n'ai que 8 ans. 3 ans de plus que Peter Rowen sur la pochette qui en a 5.

Youthfull innocence & confusion revient souvent dans les critiques. On arrive pas à trouver de véritables défauts. On a envie de connaître la suite. Bien qu'encore très verts sur scène,  on fait une mini tournée en Europe, suivie d'une tournée relativement à succès en Amérique du Nord, en 1981. On fait le choix intelligent de jouer dans des plus petites salles au lieu de faire des premières parties de bands dont le public pourrait se tourner contre eux. 

En Oregon, une valise de Bono, contenant des idées musicales et des paroles en prévision du second album est volée. Mais ils sont si positifs, avec McGuiness qui leur promet qu'ils seront le band le plus important au monde, on rêve encore à atteindre la lune. Leur carte de visite passe bien. Ils apprennent tous ensemble.

Et commencent peu à peu à quitter la van pour fréquenter les aéroports. 

Quitter l'innocence pour entre dans le monde adulte.        

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Mount Temple Comprehensive School

Échouer, Échouer à Nouveau, Échouer Mieux

Le Mentor