Le Mentor

C'est avec la Van qu'on apprend à connaitre davantage le gérant Paul McGuinness. Il n'y est pas souvent, mais y est souvent forcé par Bono, Adam, The Edge et Larry. Il raffine le bolide bum.  

On dira moins gérant dans l'entourage que "mentor". Il leur fait apprendre sorte de choses de par sa grande culture, mais aussi de par ce qu'il apprenait du milieu. Il apprenait en même temps qu'eux. Il arrivait du milieu du cinéma. Et le monde de la musique, il l'apprenait au même rythme qu'eux, mais 10 ans de plus de sagesse. Il leur apprenait les États-Unis, la radio, la diffusion radio sur les ondes françaises, l'effet des nouvelles politiques fédérales allemandes sur leur popularité régionale là-bas. Le premier album sonnait de cloches. Plus que n'importe qui des 5, Paul était celui qui voulait faire de U2, le band le plus populaire au monde. Il disait clairement qu'un équilibre entre affaires et arts est toujours possible si tout le monde respecte ce qu'il est. Le succès viendra alors.

Il avait fondé sa propre compagnie d'agents d'artistes, Principle Management, et il allait faire les choses honnêtement et bien. Il aurait des manières dans une industrie où on en avait pas. Où Peter Grant, pour tout le grand bien qu'il a fait pour les agents du futur, a aussi fait le pire du pire. Incluant, la disparition d'importantes cagnottes qui étaient sous sa responsabilité. Grant était une brute, là où McGuinness serait une sorte d'artiste, lui aussi. Un 5e membre de U2. Dans l'ombre, mais tenant d'importantes ficelles. Il n'était pas snob, mais pouvait battre quelqu'un en snobisme quand il le sentait chez l'autre. Il était expert en faire sentir à autrui qu'on avait besoin de lui beaucoup plus que le contraire. La rumeur voulait que quand il était plus jeune, serveur dans un restaurant, ayant reçu un pourboire indigne de la part d'un client, il l'avait pourchassé dans la rue afin de lui remettre en lui disant "gardez ceci...de toute évidence vous en avez beaucoup plus besoin que moi...". Il pouvait aussi avoir de la gueule. Ce qui plaisait aux 4 membres de la formation qui avait maintenant un disque sur le marché. 

U2 avait foi en Paul McGuinness qui en contrepartie, avait aussi foi en eux. Il serait insulté que les radios ne comprennent pas encore U2 complètement. Les Anglais sont trop froids et ne comprennent pas votre type de cool. Oui, le succès était critique, mais il voulait plus pour ses jeunes gars dans la vingtaine. Son père, à Paul McGuinness, était bombardier pour la Royal Air Force et Paul voulait que son band ait l'effet d'une bombe. Il avait été ado "mod" à Bournemouth, en Angleterre. Il marquait chaque nouveau succès du band par un repas dans un resto "particulier" où la star de l'endroit serait le chef cuisinier. Parfois, il traçait une ligne découragée entre sa finesse cultivée et le côté roturier des 4 gars sous son aile en leur disant faussement démoralisé, "pourquoi ai-je quitté l'industrie du film ?". Autour d'une table de resto, il ne parlait jamais d'affaires. Même si les 4 gars de U2 étaient son affaire. Il parlait musique, cinéma, littérature, politique, sports, de la dernière biographie d'untel. Il était le bon gars au bon moment pour 4 garçons qui avaient de l'élan. 

Paul confirmait le brio du band en en parlant jamais autour de la table avec des invités. S'asseoir en sa compagnie était un cours avancé de conversation avec autrui. Il rappelait souvent que la seule chose à craindre était toujours la crainte. Une citation de Roosevelt, Mais c'était Churchill qui avait vécu la ligne. Et McGuinness était leur Winston Churchill. Il voulait d'abord charmer l'Europe mais le but était l'Amérique du Nord. L'eldorado vendu très tôt. La terre promise. 

Avant même la sortie formelle de Boy,  Paul avait envoyé des copies à l'international pour les radio collégiales qui prenaient de l'ampleur au début des années 80, et qui feraient tant de bien à R.E.M ou Depeche Mode, entre autres. Ce n'était pas l'invasion britannique des Beatles, ou des Stones, mais quand U2 irait aux États-Unis, ils resteraient agréablement surpris de voir des cohortes de fans les attendre avec même des membres préférés parmi les filles. Ils étaient Irlandais, donc au sang chaud, je suis irlandais et autochtone, vous imaginez mon sang chaud ?  Mais je transgresse, en 1981, j'ai 9 ans, je ne connais rien de U2. Je suis un boy

Je ne sais pas encore que l'automne, le mois d'octobre particulièrement, me serait toujours extraordinairement bon. L'étiquette post-punk colle à la nouvelle vague musicale. The Police est plus doux, mais pseudo-punk tirant vers l'alternatif. Un terme qu'on utilise par encore beaucoup. The Clash a commencé Punk, mais dans les années 80, devient de plus en plus pop ou rock. Où se trouverait U2 ?

Par un matin froid de décembre les 4 Irlandais arrivent au JFK Airport dans un pays où déjà, le bruit est tellement trop fort. Les gars restent étonnés que dans la mise en scène pensée par Paul, il a amené une limousine pour les accueillir. Il n'y a qu'aux États-Unis qu'on pense des voitures comme ça, pensent les gars, amusés. On croit pouvoir entendre leur single "I Will Follow" à la radio, on demande de faire jouer les stations populaires et on tombe sur la magnifique Billie Holiday qui leur envoie un message à retenir, "All or Nothing at All".  

Une ode à l'évasion. 

U2 jouera au Ritz devant "d'importantes personnes" dira McGuiness. U2 se sentira bruit de fond pour des gens interressés par eux-mêmes. Atmosphère négligeable pour le party d'un autre. Bono en fera déjà trop. Il lance à un balcon les mots suivants "LEVEZ-VOUS! Allez les vieux dans vos costumes chics ! Levez vous si vous en êtes encore capable !" Il s'agit de gens de l'industrie et des radios qui ont entendu du bien du band. McGuiness fulminera après le spectacle disant "Bravo les gars, vous avez insulté les seuls gens du public qui étaient ici pour voir de quel bois vous vous chauffer ! bravo, vraiment ! Maladroits punks!".

Les gars joueront aussi à Buffalo, toujours dans l'État de NY, puis reviendrons près de Central Park, quelques jours après la mort de John Lennon, en décembre 1980, à l'endroit même où il a perdu la vie, au pied du Dakota. John est mort pendant que U2 était à NY. Ils sentent et vivent la fragilité du moment si récent. Lennon était ce qu'il y a avait de plus proche comme conscience rock'n roll par rapport aux membres de U2. Ils ont perdu un frère spirituel. Encore de nos jours, quand ils l'entendent chanter "Oh my love, for the first time in life, my eyes are wide open..." ils sont encore tous émus. Ils savent qu'ils entendent un hymne universel. 

Quand l'étoile du Nord de ta propre foi est propulsé dans la fatale obscurité, on se sent comme les eaux de tempêtes avec visibilité nulle. Qui sont désormais les phares ? John était une lumière pour ses jeunes de 20 ans. 

En 1979, Bono lui écrivait une lettre à lui, pour lui demande si il ne voulait pas produire leur premier album, Boy. Ils écrivent ensemble un morceau inspiré d'une de ses chansons mais qui trahit aussi cette peur qu'il ne veulent pas craindre. 

The Dream is Over

Mais Paul est leur filet.

Il sait rattraper ce qui semble tomber. Il leur fait rencontrer des vedettes du moment comme les Talking Heads.

Une tournée de 60 jours comme carte de visite aux États-Unis. Il leur a dit d gagner les régions urbaines. L'info circule plus vite. 

La première bouchée de la pomme New Yorkaise est à la fois amère et sucrée. Parce que les gens entendent, ils aiment. Et on découvre un marché: les radios collégiales. Plus audacieuses. Mais on souffre un peu aussi du décalage des tempérament. Tout est plus direct et violent aux États-Unis.  

La van blanche devient bleue. Et tout le monde s'amuse à la conduire pour découvrir le pays de toutes les opportunités par les grandes fenêtres d'en avant. Il était impossible de ne pas lire On The Road de Kerouac ou Hotel Chronicles de Sam Sheppard sans lever la tête et y voir le décor de Houston, Forth Worth ou Dallas. 

À un coin de rue, le band découvre que dans une voiture à leurs côtés joue à la radio I Will Follow. Et dans une autre aussi, mais merveilleusement pas synchronisée avec l'autre. 

On s'en fout, On est hystérique et les cerveaux sont eux-mêmes euphoriques et entremêlés de toutes sortes d'émotions. 

La stratégie de Paul McGuinness fonctionne. 

Peu à peu, on pogne. 

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Efluves Nord-Américaines

Mount Temple Comprehensive School